Les créations maroquinières d'Hagop Markarian, de Bourj Hammoud à la place Saint-Sulpice
Offparamazatelier, tel est l'intitulé du compte Instagram du maroquinier libano-arménien Hagop Markarian, dont la pratique du cuir sous toutes ses formes séduit les clients, à l'ombre des hautes tours de l'église Saint-Sulpice.
Hagop Markarian dans son atelier parisien. Photo tirée de son compte Instagram @offparamazatelier
C'est sur une cour intérieure verdoyante que donne l'atelier d'Hagop Markarian. À l'intérieur, des machines à coudre de tailles variées, des appareils aux mécaniques complexes, une enfilade de bobines de fils, des échantillons multicolores de cuir mat ou brillant, et de grands établis, où Luana, employée par l'entrepreneur, est en train de confectionner d'amples rideaux pour « les voisins », c'est-à-dire l'hôtel Bonaparte situé dans la rue éponyme.
Dans cette caverne de tous les possibles, où l'on retrouve ce même élan créatif et artisanal, on se croirait à Bourj Hammoud. « Ces quatre machines à coudre permettent d'effectuer différents types de points, selon les matériaux et les formes réalisées. Nous avons aussi un appareil pour marquer les initiales ou logos, un autre pour couper des bandes de cuir, et un dernier qui le désépaissit sur les extrémités », explique le maroquinier, dont la convivialité et la simplicité rappellent les échanges informels et animés dans la célèbre artère artisanale et commerciale du nord de Beyrouth.
Le savoir-faire de Bourj Hammoud à Paris. Photo tirée de son compte Instagram @offparamazatelier
« Notre matériau de prédilection est le cuir, nous recevons beaucoup de commandes de banquettes de restaurants, de coussins, de sacs sur mesure, comme celles que l'école ESMOD a demandées selon les prototypes des jeunes designers, pour le défilé de fin d'année », explique-t-il avec entrain, entouré de sacs suspendus, à l'allure épurée et au fini millimétré.« J'ai commencé par créer une marque de sacs de soirée, rock chic, Paramaz. Je fais aussi des pièces uniques, sur mesure, que j'appelle Off Paramaz », poursuit l'artisan aux bras et mains tatoués. L'onomastique de sa marque est liée au prénom que ses parents ont failli lui attribuer. «C'est un vieux prénom arménien, qui vient du perse, Farramuz, et qui signifie gouverneur. J'ai fini par lui donner vie ! » confie Hagop Markarian avec humour.
« Intuitivement, je savais coudre à la machine »
Selon Markarian, c'est au Liban qu'il a développé son goût du travail soigné. « Je suis né à Beyrouth, et j'ai grandi entre Bourj Hammoud et Raouda. Mon grand-père, mon père, mes oncles étaient tous des artisans bottiers, notre atelier se situait derrière la Croix-Rouge arménienne, j'ai commencé à y travailler à 12 ans. Nous confectionnions des articles pour les boutiques alentour. En 2002, ma famille et moi avons décidé de nous installer en France », poursuit l'ancien bottier. Ses parents, comme beaucoup d'Arméniens de la région parisienne, ont ouvert un atelier de façonniers. Le jeune homme y a participé, avant de se lancer dans les métiers de bouche.« J'ai eu la chance de travailler avec Cyril Lignac. Puis, dans le restaurant Marcello, dans le sixième arrondissement, où j'étais employé, une banquette avait besoin d'être réparée : je me suis proposé pour le faire. L'odeur de la colle et du cuir m'ont rappelé des souvenirs, et j'ai senti que je pouvais utiliser mon potentiel artisanal. Intuitivement, je savais coudre à la machine, désépaissir le cuir », se souvient l'artisan, qui a dans la foulée entamé une formation de point sellier. « Une technique de couture à la main, rendue populaire dans le monde de la maroquinerie par Hermès, qui utilise du fil de lin, renforcé avec de la cire d'abeille, pour le rendre étanche et très solide. » En 2019, le maroquinier ouvre un atelier et propose ses services à différents créateurs et marques, toujours plus nombreux. Le dernier en date ? La commande du cabinet du designer belge Ramy Fischler qui souhaitait un sac de frappe dédié aux entraînements de boxe pour un bar du sixième arrondissement, Cravan, dont le nom est celui d'un poète et boxeur.
Cognac, chocolat ou rose barbie ?
La météo parisienne capricieuse n'a pas freiné le succès des ateliers de maroquinerie proposés par Hagop Markarian sur la plateforme We can do . « Tous les jours, je reçois des gens pour faire découvrir mon atelier et fabriquer des pièces uniques, porte-cartes, étuis à lunettes, sacs, ceintures... Ce qu'ils apprécient, c'est l'authenticité du travail.» Relevant de l'intime et de l'accessoire, les produits finis doivent à la fois exprimer une identité, tout en se fondant dans l'allure générale de la personne.
En observant la rangée très fournie en tranches de cuir, on mesure l'ampleur de l'enjeu chromatique de l'objet à fabriquer. « Pour le printemps, ce sont les teintes chocolat, cognac, prune ou vert bouteille qui ont été plébiscitées. J'alterne les couleurs tendance avec des teintes un peu loufoques. Quand le film Barbie est sorti, j'ai choisi du cuir rose fuchsia bien flashy : il a été très apprécié. Le but est que les gens s'amusent ! » ajoute gaiement l'artisan.
Des créations qui ne cessent de se renouveler. Photo tirée de son compte Instagram @offparamazatelier
L'atelier d'Hagop Markarian est ouvert 7 jours sur 7, le travail est pour lui un marqueur d'identité déterminant. « Au moment du génocide, beaucoup d'Arméniens ont quitté leurs villages, où ils étaient artisans. Ceux qui ont survécu se sont réfugiés dans des pays dont ils ne parlaient pas la langue, il ne restait que leurs mains et leur savoir-faire. Comme tous les Libanais, nous avons appris à travailler sans arrêt, tous les jours, malgré la guerre, les restrictions d'eau, d'électricité, et avec détermination », affirme-t-il avec émotion.
Au printemps, Hagop Markarian a lancé sa première collection de sacs, baptisée Céleste, qui s'inspire des années 70. Il prévoit de créer des chaussures et des vêtements, puis d'ouvrir une boutique. Dans un recoin de l'atelier, une petite étagère évolue dans une autre temporalité. « Les poupées russes me rappellent celles de ma grand-mère. Sur le cierge, on reconnaît la croix arménienne. Quant à la masbaha , elle fait écho à un de nos voisins au Liban, qui torréfiait du café, et qui en portait toujours une à la main », conclut le maroquinier qui n'a pas tout à fait quitté Bourj Hammoud.
C'est sur une cour intérieure verdoyante que donne l'atelier d'Hagop Markarian. À l'intérieur, des machines à coudre de tailles variées, des appareils aux mécaniques complexes, une enfilade de bobines de fils, des échantillons multicolores de cuir mat ou brillant, et de grands établis, où Luana, employée par l'entrepreneur, est en train de confectionner d'amples rideaux pour...
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